Salle de courte paume à Bayonne (64)

Jeu Maubec, Trinquet Licou, Trinquet Saint André

Situé dans le « Petit Bayonne » au pied du Château-Neuf, au confluent de l’Adour et de la Nive, dans un quartier dont il prend le nom, le trinquet Saint-André est une ancienne salle de courte paume dont l’existence est attestée dès la fin du XVI^e siècle (avant 1594, ainsi que sur un plan de 1610).

Depuis son origine, cette salle est identifiée par le nom de son bâtisseur : Maubec, Sieur de Peillicq, ce qui permet de la différencier du « Jeu de Niert » située près du couvent des Carmes à proximité des fossés et jardins du Château-Vieux, propriété de M. de Nyert.

Plusieurs autres espaces de jeu de balle étaient alors actifs à l’intérieur de la ville (place de Gramont) ou dans ses environs, principalement sur les glacis. Ils accueillaient des parties de longue paume, jeu de gagne-terrain en extérieur qui ne nécessite pas de bâtiment spécifique et porte en euskara le nom de « bota luze » (but long).

De manière très classique pour l’époque, le « Jeu Maubec » reçoit des pratiquants d’origines très diverses, populaire ou bourgeoise, ainsi que quelques militaires représentant la haute administration royale ou des mousquetaires. Un cabaret attenant – pour la restauration et la pratique des jeux de hasard (cartes, dés) – ainsi qu’un petit jardin encadrent ce bâtiment polyvalent, dans lequel se déroulent également toute sorte d’animations (pièces de théâtre, comédies, spectacles de voltige). De passage à Bayonne en 1782, le comte d’Artois y joue une partie à la raquette, quand d’autres joueurs perpétuent l’usage traditionnel du petit gant de cuir (jeu de « pasaka »).

Le trinquet Saint-André

Raquette de courte paume ayant appartenu à Émile Broquedis (avant 1888) Musée basque, Bayonne, inv. D.57.1.164

Le trinquet Saint-André en bref

Dénominations : Jeu Maubec, Trinquet Licou, Trinquet Saint André, Jeu de paume de Bayonne
Période : XVI^e siècle – XXI^e siècle
Datation : avant 1594 (charpente non datée)
Adresse : 4 rue du jeu de paume 64100 Bayonne
Latitude : 43,489934
Longitude : -1,4722019
Localisation : 43° 29′ 24.6408″, -1° 28′ 18.1596″
Cadastre : BZ369
Dimensions (L x l x h) : 26 m x 8 m60 x ? (hauteur non définie)
Protection : Ni classement ni inscription au titre des Monuments Historiques
Association sportive : Jeu de paume de Bayonne-Pays basque (ASJPBPB), Euskal Real Tennis (ERT)
Présidente de l’ASJPBPB-ERT : Cécile Alchuteguy.
Maître-paumier : en attente

Du Jeu Maubec au Trinquet Licou

À la fin du XIX^e siècle, le Jeu Maubec est légèrement modifié en faveur des formes nouvelles de pratiques qui se développent alors et vont progressivement prendre le nom de « Pelote basque » – « jeu de blaid », à main nue ou à chistera. Ces activités impliquent de ne plus jouer en face à face avec un filet, mais de renvoyer alternativement les coups face à un grand mur.

Suite à ces changements, le bâtiment est momentanément appelé « Trinquet Licou », du nom du nouveau propriétaire dont le jeune neveu Émile Broquedis devient successivement professionnel de courte paume à Bordeaux, Bayonne (entre 1881 et 1888), Pau, New-York puis aux Tuileries. Sur le « carreau » du trinquet, les lignes de chasses sont oubliées et une des trois galeries (celle du « devers » également appelée « galerie de grille ») est démontée vers 1896 pour dégager un mur de frappe intégral, très utile pour les pelotaris qui utilisent des pelotes plus vives que les balles traditionnelles.

Marguerite Broquedis, joueuse de tennis (1893-1983)

Fille d’Émile Broquedis et de Louise Vergez, Marguerite Marie (1893-1983) décroche la médaille d’or lors du tournoi de lawn-tennis (simple dames) des Jeux olympiques de Stockholm en 1912, devenant ainsi la première Française championne olympique dans une délégation dont elle est la seule femme. Elle a été initiée aux sports de raquette par son père.

Photographie de Marguerite Broquedis (1911), Agence Rol – source : Gallica

Photographie de Marguerite Broquedis (1911); fille du maître paumier de Bayonne Émile Broquedis
Agence Rol – source : Gallica

Jeu Maubec au XIXe siècle (parcelles 891-892)<br />
Cadastre napoléonien, Bayonne, 1831

Jeu Maubec au XIX^e siècle (parcelles 891-892) – Cadastre napoléonien, Bayonne, 1831

Trinquet Saint André à la fin du XIXe siècle<br />
Musée basque, Bayonne

Le vieux Jeu Maubec devenu Trinquet Saint André (avant 1888) – Musée basque, Bayonne

Groupe de pelotaris au trinquet Saint André à Bayonne avant 1888.<br />
Photo Musée Basque, inv. PH.58.100.90

Groupe de pelotaris au trinquet Saint André à Bayonne avant 1888.
Photo Musée Basque, inv. PH.58.100.90

Au centre (marqué d’une croix), le maître-paumier Émile Broquedis pose pour la photo avec son gant de pasaka et son béret. Derrière eux, la galerie de « grille », la grille elle-même peinte en noir ainsi que le « tambour » de courte paume (contrefort mural à droite) seront démontés par les pelotaris vers 1896. On distingue encore le collage réalisé par les enfants de M. Licou du dessin d’un grenadier et de son tambour … collé en hauteur sur le tambour.

Raquette de courte paume ayant appartenu à Émile Broquedis (avant 1888)<br />
Musée basque, Bayonne, inv. D.57.1.164

Raquette de courte paume ayant appartenu à Émile Broquedis (avant 1888) – Webmuseo
Musée basque, Bayonne, inv. D.57.1.164

Balle de courte paume (cuir, laine et chiffon)<br />
ayant servi au Trinquet Saint André (avant 1888)<br />
Musée basque, Bayonne, inv. D.57.1.314

Balle de courte paume (cuir, laine et chiffon) ayant servi au Trinquet Saint André (avant 1888) – Webmuseo
Musée basque, Bayonne, inv. D.57.1.314

Le Trinquet Saint André, redevenu Jeu de paume l’espace d’un instant (1929)

En 1929, le Bordelais Albert de Luze venu donner une conférence au Musée basque de Bayonne, choisit d’illustrer ses propos en organisant un match franco-britannique (entre le champion du monde Pierre Etchebaster et Edgar Max Baerlein de Manchester) à l’intérieur d’un « Trinquet Saint-André » désormais dévolu aux pelotaris. Il parvient à faire revivre cette Magnifique histoire du jeu de paume (Bordeaux, 1933) qu’il étudie, en bricolant certains éléments disparus à l’aide de planches (galeries, ouverts, pente des toits – que les pelotaris appellent « tambours »), malgré l’absence des lignes de chasses, celle du tambour mural, de la grille et la suppression des portes.

Le propriétaire est alors M. Duhau, cousin d’Émile Broquedis. Son successeur M. Pierrestéguy fait don du trinquet à un hospice à sa disparition. L’installation sportive ferme au cours de la seconde Guerre Mondiale. L’association Société nautique de Bayonne (fondée en 1875) entreprend de relancer l’activité tandis que la municipalité rachète le bâtiment en 1975 pour le rénover.

Le Trinquet Saint André en 1929<br />
Albert De Luze, La magnifique histoire du jeu de paume, 1933, p. 142.<br />
Source Gallica, BnF

Le Trinquet Saint André en 1929
Albert De Luze, La magnifique histoire du jeu de paume, 1933, p. 142.
Source Gallica, BnF

Le Trinquet Saint André en 1929
Albert De Luze, La magnifique histoire du jeu de paume, 1933, p. 387.
Source Gallica, BnF

Pelote et courte paume au Trinquet Saint André aujourd’hui

Redonner aux anciennes salles de courte paume leur vocation originelle n’est donc pas un phénomène récent. Aujourd’hui, une toute nouvelle génération de joueurs s’active à retendre un filet au centre du « carreau », afin d’organiser des rencontres sportives dans les différents trinquets du sud-ouest (en Béarn et en Iparralde). C’est ainsi que le vieux trinquet bayonnais participe au « Tournoi des trois tripots » (2012) qui accueille tous les deux ans plusieurs centaines de paumiers venus du monde entier (Australie, États-Unis, Grande Bretagne, Pays-Bas).

Les parties y sont jouées en alternance avec les :

« Trinquet Beaumont » de Pau (1887)
« Trinquet Hapette » de Labastide-Clairence (1512)
« Trinquet Dongaïtz » à Urrugne (1563)
« Trinquet Artetxea » de Bidarray (1850)

Dans cette dynamique, un regroupement de compétiteurs passionnés s’organise en 2016 et prend le nom d’Euskal real tennis (ERT). Le prince Edward du Royaume Uni y joue d’ailleurs une partie en 2018, contribuant à la publicité du lieu.

Depuis 2023, cette Association sportive du Jeu de paume de Bayonne-Pays basque (JPBPB-ERT) réside au trinquet Saint-André pour le plus grand bonheur des pelotaris, des joueurs de courte paume et de tennis. Tous peuvent enfin exprimer, à longueur d’année et dans un bâtiment historique finalement très polyvalent, leur amour pour « la balle jaune »